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Résumé : La conception d'un site web centré sur l'utilisateur, comme par exemple un site d'e-commerce, ne peut faire l'économie d'une étude d'ergonomie, dans laquelle sont testées les attentes des futurs clients. Le retour sur l'investissement en dépend. Les recherches de l'ergonomie en informatique ont commencé par se centrer sur une approche physiologique en travaillant entre autres sur l'aménagement du poste de travail (écran, clavier, sièges...), l'environnement (éclairage, nuisances...).

Ergonomie des sites web et tests utilisateurs


Poursuivant toujours l'objectif d'un meilleur confort physiologique, l'ergonomie s'est intéressée ensuite à la disposition spatiale des informations à l'écran, aux couleurs d'affichage, aux conditions de lumière et de contraste.

À partir de cet instant, la notion d'interaction Homme-Ordinateur est apparue. Les recherches sur l'interaction Homme-Ordinateur se sont dès lors développées. Pour améliorer les qualités ergonomiques d'une application, il est apparu nécessaire de prendre en compte le fonctionnement cognitif (1) des personnes et leurs habitudes de travail dès les premières phases de la conception.

Prendre en considération les processus cognitifs de l'homme et sa manière normale de faire le travail s'avère donc indispensable. C'est pour cette raison que la psychologie cognitive prend maintenant le pas sur la physiologie. On parle aujourd'hui d'ergonomie des interfaces Hommes-Machines (IHM), ou encore d'ergonomie cognitive.

Une idée encore trop largement répandue est que l'ergonomie ce n'est que du bon sens. L'ergonomie ce n'est pas du bon sens mais une discipline, qui met en oeuvre des connaissances scientifiques issues de la physiologie et de la psychologie cognitive. Ces connaissances vont de la perception aux mécanismes impliqués dans le traitement cognitif de l'information.

La Self (2) définit l'ergonomie comme : « La mise en oeuvre de connaissances scientifiques relatives à l'homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés par le plus grand nombre avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité. » (3)

Mis à part les données physiologiques tel que la perception, l'homme est une "entreprise" beaucoup trop complexe pour qu'il soit appréhendé dans sa globalité par le bon sens.

homme est une 'entreprise' complexe


C'est en intégrant ces connaissances scientifiques au processus de conception que nous orientons nos sites vers les utilisateurs.

Le web : un champ d'intervention de l'ergonomie


La finalité d'une application est de servir à une personne déterminée pour un but déterminé. Dire qu'une application est ergonomique ne veut rien dire en soi : un système est ergonomique pour une personne donnée ayant un objectif donné. Ainsi toute application doit répondre à deux critères :
  1. l'« utilisabilité » : l'application doit être facile à utiliser, être adaptée aux différents profils d'utilisateurs de la population cible et faciliter l'apprentissage. Il faut donc connaître les utilisateurs ;
  2. l'utilité : l'application doit être en adéquation avec la tâche des utilisateurs ; autrement dit, elle doit répondre à leurs besoins. Il faut donc connaître la tâche des utilisateurs.


Dans le cadre des sites web, l'ergonomie est une discipline qui intègre les caractéristiques physiologiques et psychologiques de l'homme, et qui peut être appliquée à la conception, à l'évaluation, à l'utilisation et à la maintenance des sites web afin d'en assurer, l'efficacité et l'usage satisfaisant par les différents utilisateurs.

Logique de fonctionnement ou logique d'utilisation ?


Une erreur courante rencontrée dans la conception des sites web est liée à la confusion entre la logique de fonctionnement et la logique d'utilisation d'un site. En effet, il existe deux modes de présentation d'information d'un site : le premier consiste à « traduire » le fonctionnement du site ; le second à indiquer à l'utilisateur comment procéder avec un mode de présentation conçu sur une logique d'utilisation.

L'ergonomie de surface


L'ergonomie de surface est peu dépendante du contexte, elle concerne essentiellement la présentation des informations (typographie, couleurs, etc.). Les outils applicables à ce niveau sont les guides de style, les guides de recommandations ergonomiques. Ces guides donnent des conseils pour améliorer la conception des interfaces utilisateur, conseils essentiellement issus des résultats de la recherche théorique et d'une pratique de conseil sur le terrain.

Le guide d'ergonomie (4) que nous avons conçu propose à ce titre des recommandations qui permettent d'assurer une certaine homogénéité sur l'ensemble d'un site : homogénéité au niveau de la présentation et homogénéité au niveau du comportement, des réactions du système ; on parle de « look and feel ».

C'est en s'appuyant sur ces recommandations et sur les spécificités du projet que sont élaborées les normes ergonomiques du projet (spécifications détaillées).

Un outil : les tests utilisateurs


L'ergonome dispose, dans sa démarche, de plusieurs outils spécifiques : entretiens, observations, méthode analytique de description des tâches, évaluation experte, etc. Les tests utilisateurs en font partie intégrante et sont encore trop peu mis en place. Dans une démarche centrée sur l'utilisateur, il semble presque paradoxal que le recours à cet outil ne soit pas permanent.

Il existe une grande variété de tests utilisateurs. Pour donner une définition générale, nous pouvons dire que le test utilisateur est une méthode d'évaluation qualitative basée sur l'observation individuelle d'utilisateurs cibles du site web. Plus précisément, les tests utilisateurs permettent d'observer directement le comportement des internautes pendant qu'ils visitent un site, d'identifier les dysfonctionnements éventuels et de repérer les difficultés qu'ils rencontrent. À partir du recueil de ces données, des recommandations précises sont formulées et permettront d'améliorer le site.

Le nombre d'utilisateurs à observer ?


Le nombre d'utilisateurs qui constituent nos échantillons oscille entre 6 et 10. Un reproche fréquent est de dire qu'il ne s'agit pas là d'une démarche scientifique. Cette remarque est tout à fait pertinente. Nous ne cherchons pas à obtenir des résultats statistiquement significatifs. L'objectif est simplement d'identifier les principaux problèmes du site ou de valider des choix de navigation, de rubriquage ou encore de fonctionnalités.

Comme je le disais dans une de mes rubriques : "Votre site est-il à la hauteur de votre entreprise"

Mener des tests avec un échantillon de 5 utilisateurs peut permettre la détection de 80 % des problèmes ergonomiques que peuvent poser un site web.

Nous n'allons ici aborder que trois types de tests qui sont les moins coûteux :
  1. le tri par cartes ("card sorting") ;
  2. le test en visite libre ;
  3. le test scénarisé.

Le tri par cartes : une validation du rubriquage


Le tri par cartes est une méthode qui permet de définir ou de valider le rubriquage général d'un site. Il permet de regrouper les briques d'information selon la logique utilisateur et de dénommer des rubriques ou des regroupements d'information. La méthode est simple, il s'agit de présenter aux utilisateurs, dans un ordre aléatoire, des cartes sur lesquelles sont inscrites :
  1. les informations que fournissent le site ;
  2. les services/outils offerts par le site.

On demande aux utilisateurs de verbaliser de manière spontanée leur compréhension de chaque carte et de les regrouper selon la logique qui leur est propre. Une fois ces regroupements constitués, il est demandé à l'utilisateur de donner un titre à chaque paquet de cartes. Après avoir mis en corrélation les résultats de chaque utilisateur, on constitue alors les rubriques du site.

Cette opération peut être réitérée jusqu'à un degré de finesse désiré, pour constituer les sous-rubriques et l'agencement des différents éléments du site. Cette technique nous apporte des données qualitatives sur les attentes des utilisateurs et permet de structurer les contenus des rubriques selon la logique des utilisateurs. Elle permet aussi de valider ou de choisir les intitulés des rubriques afin qu'ils soient les mieux adaptés aux attentes des utilisateurs ciblés.

Le test scénarisé


Au cours des tests scénarisés, les utilisateurs doivent effectuer une tâche spécifique. Il peut leur être demandé par exemple de trouver une information, d'effectuer un achat précis en ligne. Avant la passation du test, un seuil de réussite est fixé. Le test sera réussi et le processus validé si, par exemple, 90 % des utilisateurs parviennent à l'information en un temps maximum défini ou si 80 % d'entre eux réussissent à finaliser l'achat du premier coup.

Les mesures peuvent donc être variées. On relèvera des données objectives :
  1. le temps écoulé pour réaliser un scénario ;
  2. les performances : réussite/échec de la réalisation du scénario ;
  3. le temps passé dans une rubrique, page ;
  4. le temps total de connexion au serveur ;
  5. les informations permettant de reconstituer le cheminent dans l'arborescence.


Mais d'autres données, plus subjectives cette fois, seront aussi relevées :
  1. les verbalisations des utilisateurs lors de la réalisation du scénario ;
  2. les verbalisations des utilisateurs lors du debriefing ;
  3. et les données relatives aux comportements non verbaux.


Le recueil de ces données nécessitera des équipements plus "sophistiqués" (ex : caméras, magnétophone et magnétoscope).

Les données relatives à la compréhension et à la connaissance qu'ont les utilisateurs du site et de son fonctionnement, pourront être déduites de l'analyse des protocoles verbaux, enregistrés lors des interactions avec le système et lors du debriefing avec les utilisateurs suite au test.

S'agissant de sites web grand public, les caractéristiques des utilisateurs seront très variées. L'échantillon devra donc être représentatif de ces caractéristiques.

On prendra soin aussi de ne pas oublier le fait que le matériel des utilisateurs grand public pourra varier considérablement, de même que les moyens d'accès à internet. Ces configurations techniques spécifiques devront être respectées. Il ne s'agit pas de réaliser le test sur un écran en 1024x768 pixels si les utilisateurs finaux ont des écrans 800x600. Il en va de même pour la connexion où la majorité des internautes possèdent une connexion maximale à 56 Kbps, ou encore du navigateur qu'ils ont l'habitude d'utiliser. Il convient de rester au plus proche des conditions écologiques naturelles d'utilisation.

Le test en visite libre


Dans ce cadre, il s'agit de laisser l'utilisateur naviguer sur le site sans aucune directive spécifique. Au cours de ce test, les utilisateurs sont invités à penser à haute voix, à indiquer à l'ergonome ce qui leur pose problème.

L'ergonome peut être plus « présent » et inciter les utilisateurs à dire, par exemple, pour chaque élément de navigation, les informations qu'ils pourraient trouver sur les pages correspondantes. Les tests utilisateurs peuvent être réalisés très tôt dans le processus de conception, c'est-à-dire dès que des choix de conception (structure, type de dialogue, organisation du contenu, icônes, boutons de commandes, liens, etc.) sont envisagés.

Le temps de passation des tests ne doit pas dépasser 45 minutes. Au-delà de ce laps de temps, le niveau de vigilance et de motivation chutent et le test devient fastidieux.

Quel peut être le retour sur investissement ?


L'intervention ergonomique place donc l'utilisateur au centre du processus de conception afin de lui assurer un maximum de confort. Les effets de cette intervention ont d'autres impacts : ils se situent aussi au niveau de l'efficacité et de la sécurité d'action. Pour une entreprise de 100 salariés, un lien mal placé sur la page d'accueil c'est : 100 personnes qui mettent 5 secondes de plus à trouver le lien, 10 % qui se trompent de lien et perdent 60 secondes avant de s'en apercevoir. La valeur du temps d'un salarié étant de 20 $/heure. Le calcul de la perte estimée pour l'entreprise est le suivant :
[(5 x 100 + 60 x 10 )/3600] x 20 = 6 $/heure.

Deux exemples plus concrets sont ceux rapportés par IBM et AmeriTech :
IBM : en 1998, IBM a revu le design d'une partie de ses sites internet selon des critères ergonomiques, le trafic augmente alors de 120 % sur le site de e-commerce ShopIBM, et les ventes ont augmenté de 400 %.

AmeriTech : cette société a fait optimiser les écrans de saisie utilisés par les assistants de direction (réduction de 600 ms du temps moyen de traitement d'un appel) ; résultat : un gain de 2,94 millions de dollars par an.

Ces chiffres sont éloquents et marquent l'importance du retour sur l'investissement d'une prestation en ergonomie.

Les tests utilisateurs font partie intégrante de la prestation en ergonomie. Lorsque l'on fait le choix d'un site centré utilisateur, le recours à ce dernier est nécessaire. Comme nous l'avons déjà évoqué l'être humain est une entreprise beaucoup trop complexe pour qu'on puisse l'appréhender a priori. Il s'agit donc là d'effectuer une validation de l'organisation et du fonctionnement du site. Cette démarche est très efficace pour évaluer l'utilité des fonctionnalités, la compréhension, la fluidité de la navigation. Cette étape permet alors de mettre en oeuvre les affinages et les modifications ultimes pour optimiser l'utilité et l'« utilisabilité » de votre site.

(1) La cognition est l'ensemble des activités mentales impliquées dans nos relations avec l'environnement.
(2) La Société d'Ergonomie de Langue Française a été créée en 1963 pour promouvoir l'ergonomie dans les pays de langue française.
(3) Définition adoptée par le conseil de la SELF et affichée lors du congrès de Paris en 1988.
(4) Guide de recommandations ergonomiques, Conception de sites web...
(5) Jakob Nielsen est une des références en ergonomie web, on peut retrouver ses Alertbox sur son site
(6) Compagnie américaine de téléphone.


Par Fabien Caffier (avec la collaboration de Mohcine Benchekroun)
Techmetrix.net


Louis Bédard
23-04-2004 08:00
       


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